Tout contrat de bail commercial doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire (C. com. art. L 145-40-2, al. 1). Toute clause ayant pour effet de faire échec à ces dispositions est réputée non écrite (art. L 145-15). La cour d'appel de Versailles a précisé que l'inventaire prévu par cet article a un caractère limitatif et qu'il constitue la seule façon d’imputer des charges au locataire, puisqu’elles doivent nécessairement y être récapitulées, de telle sorte que toute catégorie de charges non mentionnée à cet inventaire ne pourra pas être récupérée par le bailleur. En l'espèce, un bailleur de locaux commerciaux avait fait délivrer à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire et portant notamment sur les charges qu'il estimait dues par le locataire ; il invoquait à cette fin diverses clauses du bail, qui organisaient, selon lui, la répartition des charges. La cour d'appel a jugé au contraire que le bailleur ne pouvait pas prétendre à des charges récupérables sur le locataire pour les raisons suivantes.
Une clause du bail mettait l’obligation d’entretien à la charge du locataire, sans préciser quelles charges pourraient donner lieu à refacturation par le bailleur au locataire à ce titre ; une autre clause se bornait à rappeler les dispositions légales d’ordre public selon lesquelles le bailleur ne peut pas refacturer les grosses réparations au locataire ; une troisième se contentait de rappeler que le locataire doit prendre en charge la surveillance et l’entretien des lieux loués. Les travaux incombant au locataire ou les dépenses qu’il était tenu d’assumer pour l’exploitation du local conformément à ces clauses ne pouvaient pas être qualifiés de charges locatives, dès lors qu’elles n'étaient pas dues au bailleur lui-même. Enfin, la clause du bail intitulée « Impôts et taxes » prévoyait le remboursement par le locataire de diverses taxes (notamment, la taxe foncière et les taxes d’enlèvement des ordures ménagères ou de déversement au tout-à-l’égout). Cette clause contournait l'exigence d'inventaire des charges édictée par l'article L 145-40-2 précité, texte d'ordre public ; ayant pour effet d'y faire échec au sens de l'article L 145-15, elle devait par conséquent être réputée non écrite.
A noter : L’article L 145-40-2, alinéa 1 du Code de commerce, issu de la loi Pinel du 18 juin 2014, prévoyant « un inventaire précis et limitatif des catégories de charges », le contrat de bail doit-il comporter une liste exhaustive des charges ? A ce sujet, la cour d'appel de Bordeaux a jugé que ne constituait pas un inventaire précis et limitatif au sens de ce texte l'énumération des catégories de charges incombant au seul locataire, dès lors qu'elle ne comportait aucune précision de la répartition, par catégorie de charges, entre le locataire et le bailleur, aucune clé de répartition entre les différents locataires de l'immeuble et aucune indication explicite de la quote-part du locataire ; pour la cour, une telle énumération n'était pas susceptible de permettre au locataire d'avoir une visibilité dès la date de conclusion du bail sur les charges qu'il devra assumer (CA Bordeaux 2-3-2022 n° 18/04413). La décision ici commentée va plus loin : la présence de l’inventaire s’entend strictement. L’existence de clauses prévoyant la répartition des charges entre le bailleur et le locataire n’en pallie pas l’absence.
Le 07 mars 2024, la Cour d’appel de Versailles a écarté une clause d'un bail commercial imposant au locataire de rembourser au bailleur la taxe foncière au motif que le bail ne comportait pas l’inventaire des charges prévu par l’article L 145-40-2 du Code de commerce, texte d’ordre public.
CA Versailles 7-3-2024 n° 22/05759 (Actualités Francis Lefebvre -Vanessa Vélin